Summary
En novembre 1970, puis à nouveau en juillet 1975, le gouvernement congolais a adopté des lois établissant la zone du Parc national de Kahuzi-Biega (PNKB) comme parc et expulsant de force les communautés autochtones batwas qui y vivaient. Les Batwas sont reconnus par les autres communautés autochtones de la RDC comme les habitants originels et les gardiens des forêts du PNKB. Avant 1970, les Batwas continuaient à vivre sur les terres précédemment établies comme réserve zoologique et forestière du mont Kahuzi en juillet 1937, ce qui leur avait permis de poursuivre leur mode de vie traditionnel. Cependant, les décrets de 1970 et 1975 ont entraîné des déplacements massifs de populations batwas. Les Batwas n’ont été ni consultés ni indemnisés avant ou après leur expulsion.
Depuis 1975, les communautés batwas vivent dans des camps de fortune, vulnérables et marginalisées, à la périphérie d’autres villages bantous. Elles n’ont pas pu s’acquitter de leur rôle traditionnel de gardiennes des terres et des forêts, et ont souffert de taux élevés de malnutrition, de mortalité et de maladies. Cette situation est aggravée par la discrimination dont elles sont victimes de la part d’autres groupes ethniques en RDC. Dans la plainte, elles estiment que le nombre de Batwas est passé de 6 000 à 3 000 depuis leur expulsion du PNKB. En 2022, Minority Rights Group a documenté une campagne de violence organisée contre les Batwas qui avaient tenté de retourner sur leurs terres en 2018, qui a entraîné la mort d’au moins 20 membres, un viol collectif d’au moins 15 membres et le déplacement forcé continu de centaines de Batwas.
En 2010, après avoir intenté une action en justice infructueuse en 2008, les Batwa ont intenté une action en justice contre le gouvernement congolais et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) devant le tribunal de grande instance, alléguant que leur expulsion arbitraire de leurs terres sans indemnisation constituait une violation de la législation nationale et de la Constitution de la RDC. La plainte s’appuyait également sur le droit international, notamment l’article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l’article 21 de la Charte africaine, tous ratifiés par la RDC. Le tribunal de grande instance a rejeté la plainte pour défaut de compétence, une décision confirmée par la cour d’appel. En décembre 2013, les Batwas ont interjeté appel devant la Cour suprême de Kinshasa, qui est toujours en instance à ce jour.
La présente affaire, portée par le Minority Rights Group et Environnement, Ressources Naturelles et Développement (ERND) au nom de la communauté batwa, a été déposée auprès de la Commission africaine en 2015, alléguant des violations des articles 1, 2, 4, 8, 14, 16, 17, 21, 22 et 24 de la Charte africaine.
Dans sa décision, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a estimé que le gouvernement de la République démocratique du Congo avait violé 11 articles de la Charte africaine, notamment le droit à la vie, le droit à la propriété, le droit aux ressources naturelles, le droit au développement et le droit à la religion et à la culture. La Commission a statué que la RDC devait 1) accorder aux Batwas des droits fonciers collectifs sur leurs territoires traditionnels au sein du PNKB ; 2) présenter des excuses complètes aux Batwas pour les abus commis pendant des décennies par les gardes du parc, ainsi que pour les décès et les conditions de vie inhumaines infligées par d’autres autorités de l’État ; 3) reconnaître légalement les Batwas comme citoyens à part entière de la RDC ; 4) assurer le départ des non-Batwas des terres batwas ; et 5) payer des réparations aux Batwas et veiller à ce qu’ils bénéficient des revenus du parc national et de la forêt en tant que bénéficiaires d’un fonds de développement communautaire.