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Mercredi, Décembre 18, 2024
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Nature of the Case

Seize jeunes originaires de tout le Montana, âgés de 2 à 18 ans, ont intenté un procès contre l’État, son gouverneur et plusieurs agences publiques, contestant un amendement à la loi sur la politique environnementale du Montana (MEPA) qui restreignait l’examen des émissions de gaz à effet de serre. Ils ont soutenu que cette limitation violait la Constitution de l’État. À l’issue du tout premier procès constitutionnel sur le climat aux États-Unis, la Cour suprême du Montana a confirmé intégralement la décision du tribunal de district, établissant que : (1) la Constitution du Montana garantit un droit à un système climatique stable dans le cadre du droit à un environnement propre et sain ; (2) les jeunes plaignants avaient la qualité pour agir ; et (3) les restrictions imposées à la MEPA ainsi que leur interdiction judiciaire étaient inconstitutionnelles, car elles n’étaient pas proportionnées à l’objectif invoqué par l’État, à savoir l’équilibre entre les droits de propriété et la protection de l’environnement.

Summary

L’article II, section 3 de la Constitution de l’État du Montana – situé dans la partie nord-ouest des États-Unis – déclare que tous les Montaniens ont « le droit à un environnement propre et sain ».  L’article IX, section 1, impose également à l’État du Montana l’obligation positive de « maintenir et d’améliorer un environnement propre et sain dans le Montana pour les générations présentes et futures », la législature de l’État devant « assurer l’administration et l’application de cette obligation » et « prévoir des recours adéquats pour prévenir l’épuisement et la dégradation déraisonnables des ressources naturelles ».

Dans le cadre de cette obligation constitutionnelle, la législature du Montana a adopté la loi sur la politique environnementale du Montana (MEPA), qui oblige l’État à réaliser des études environnementales avant d’autoriser l’extraction et la consommation de combustibles fossiles.  Cependant, en 2011, et à nouveau en 2023, la législature a amendé la MEPA afin de limiter considérablement la capacité de l’État à le faire.  À la suite de cet amendement – appelé « MEPA Limitation » – les agences du Montana ont cessé d’analyser les émissions de GES résultant de l’utilisation de combustibles fossiles, alors qu’elles le faisaient déjà avant l’adoption de la loi. En 2023, la législature a également ajouté une disposition à la MEPA – appelée « Judicial Prohibition » – qui interdit aux tribunaux d’arrêter les projets de combustibles fossiles même en cas d’infraction à la MEPA.

En 2020, 16 jeunes Montaniens ont intenté un procès contre l’État, son gouverneur, le ministère de la qualité de l’environnement du Montana, le ministère des ressources naturelles et de la conservation, la commission du service public et le ministère des transports (collectivement, l’« État » ou le « Montana »). Les plaignants ont demandé au tribunal de déclarer inconstitutionnelles les restrictions apportées à la MEPA ainsi que l’interdiction judiciaire, et ont sollicité une injonction empêchant l’État de les appliquer.

Après l’enquête préalable, l’affaire Held c. Montana a donné lieu au premier procès sur le climat de l’histoire des États-Unis. Un tribunal de district du Montana a estimé que la Constitution du Montana incluait un système climatique stable dans le droit à un environnement propre et sain, que les plaignants avaient « qualité » pour intenter l’action et que la limitation imposée à la MEPA était inconstitutionnelle. La Cour suprême du Montana, dans une décision de 6 contre 1, a confirmé l’intégralité de la décision.

La Cour suprême du Montana a commencé son analyse en examinant l’intention des rédacteurs de la Constitution du Montana, en particulier l’intention qui sous-tend l’article II, section 3, et l’article IX, section 1.  La Cour a estimé que les auteurs de la Constitution du Montana voulaient que le « droit à un environnement propre et sain » soit anticipatif, global et préventif, et qu’il fournisse la protection la plus forte de toutes les constitutions des États-Unis.  Les délégués constitutionnels du Montana voulaient que l’article II, section 3 et l’article IX « ne permettent aucune dégradation de l’environnement actuel ».  Un délégué a même déclaré que le simple fait de maintenir un « environnement survivable » signifierait qu’ils avaient « perdu la bataille ».

La Cour suprême a rejeté l’argument de l’État selon lequel le droit à un environnement propre et sain ne pouvait inclure le changement climatique mondial, au motif que les rédacteurs de la Constitution n’avaient pas abordé explicitement cette question. Le juge en chef McGrath, auteur de l’opinion majoritaire, a estimé que les auteurs de la Constitution n’étaient pas tenus « d’envisager spécifiquement une question pour qu’elle soit incluse dans les droits consacrés par la Constitution du Montana ».  Les dispositions étant prospectives et préventives, les auteurs n’étaient pas tenus de discuter spécifiquement de chaque atteinte à l’environnement pour que la Constitution du Montana la protège.  En conséquence, la Cour a intégré les protections contre le changement climatique dans le droit constitutionnel des plaignants à un environnement propre et sain.

Aux États-Unis, les plaignants doivent présenter une affaire justiciable et satisfaire aux exigences de la qualité pour agir dans le cadre d’une affaire ou d’une controverse, notamment en ce qui concerne le préjudice, le lien de causalité et la possibilité de réparation. La Cour suprême a estimé que c’était le cas. En ce qui concerne la question du lien de causalité, la Cour suprême a rejeté les arguments de l’État selon lesquels le Montana n’était pas responsable des préjudices subis par les plaignants et a estimé que l’État avait l’obligation constitutionnelle de faire sa part pour mettre fin à ses contributions au changement climatique, indépendamment de ce que font d’autres gouvernements.

Étant donné que les plaignants avaient qualité pour agir et que les restrictions apportées à la MEPA mettaient en cause le droit fondamental à un environnement propre et sain, la Cour a estimé qu’un « examen minutieux » s’appliquait à l’analyse de ces restrictrions.  Dans le Montana, l’examen minutieux exige que l’État prouve que les restrictions apportées à la MEPA sont étroitement adaptéee à un intérêt public impérieux et qu’elles constituent la « voie la moins onéreuse » pour atteindre les objectifs de l’État.

L’État a fait valoir en appel qu’il avait un intérêt impérieux à « équilibrer les droits de propriété et le droit de vivre dans un environnement propre et sain ».  Cependant, il n’a présenté aucune preuve au procès qu’il avait un intérêt impérieux à défendre les lois ou la façon dont les lois protégeaient les droits de propriété. Même si cet intérêt était qualifié d’« impérieux », la Cour a estimé que le Montana n’avait pas prouvé que les restrictions apportées à la MEPA étaient étroitement adaptées à son intérêt.  Selon la Cour suprême, « les restrictions apportées à la MEPA excluent arbitrairement toutes les activités de l’examen des effets cumulatifs ou secondaires des émissions de GES, sans tenir compte de la nature ou du volume des émissions, en l’absence d’une obligation imposée par la loi fédérale ».  En conséquence, les restrictions apportées à la MEPA n’ont pas été examinées de manière approfondie et ont été jugées inconstitutionnelles. L’État du Montana a donc été définitivement interdit de les appliquer. N’ayant pas fait appel de cette décision relative à l’inconstitutionnalité de la limitation judiciaire, l’État du Montana a vu cette partie du jugement de la District Court confirmée, ce qui l’empêche définitivement de mettre en œuvre cette disposition législative.

Enforcement of the Decision and Outcomes

Cette décision a suscité une forte opposition de la part des hommes politiques du Montana, principalement ceux du parti républicain américain.  Les responsables législatifs du Montana ont averti les juges de « se ressaisir » après le prononcé de la décision, en indiquant que la réforme du système judiciaire était une « priorité absolue » pour les législateurs républicains. Le procureur général du Montana, Austin Knudsen, a qualifié la décision de « décevante » et accusé les juges d’avoir « pris parti pour leurs alliés idéologiques » tout en ignorant, selon lui, que « le Montana n’a pas la capacité d’influer sur le climat ». Toutefois, les tribunaux du Montana ont récemment annulé des lois adoptées par l’assemblée législative du Montana pour des raisons constitutionnelles, qu’il s’agisse de protections environnementales ou d’accès à l’avortement.

Malgré cela, les agences du Montana ne peuvent plus agir selon les restrictions apportées à la MEPA en raison de l’interdiction prononcée par le tribunal. Par ailleurs, cette affaire reposant sur la Constitution du Montana, il n’est pas possible de faire appel devant la Cour suprême des États-Unis. La législature du Montana peut réagir en révisant les exigences procédurales relatives à l’évaluation des émissions de GES ou en allouant davantage de fonds au ministère de la qualité de l’environnement pour faciliter ces évaluations.  En outre, les sociétés qui extraient ou utilisent des combustibles fossiles doivent désormais tenir compte de l’impact des émissions de GES avant de demander l’approbation de tout nouveau projet.

Cependant, dans l’affaire Montana Environmental Information Center v. Montana Department of Environmental Quality — la première décision en matière de protection de l’environnement rendue par la Cour suprême du Montana après l’affaire Held — la Cour a refusé d’étendre davantage la portée de son interprétation. Elle a estimé que l’État du Montana n’était pas tenu d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour chaque action publique potentielle, mais uniquement lorsque ces émissions sont significatives. La Cour a ainsi conclu que le Department of Environmental Quality (DEQ) avait enfreint les dispositions de la MEPA en délivrant un permis pour une centrale électrique alimentée au gaz naturel, dont l’impact démontré sur les émissions de GES et la pollution lumineuse dans l’État était notable –  bien qu’elle ait refusé d’annuler le permis en question.

La Cour a réaffirmé à plusieurs reprises les principes énoncés dans l’arrêt Held et a renvoyé l’affaire au Department of Environmental Quality pour qu’il réexamine les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées au projet, afin que ces informations soient accessibles au public du Montana. L’arrêt Held établit clairement que le Montana ne bénéficie plus d’un « laissez-passer pour polluer l’environnement du Montana sous prétexte que le reste du monde persiste à le faire », une position que la décision rendue dans Montana Environmental Information Center vient confirmer. La jurisprudence Held continue ainsi de garantir une protection significative de l’environnement, en interdisant à l’État de mener arbitrairement des projets ayant un impact environnemental majeur sans analyse préalable approfondie. La Cour a également souligné qu’un niveau inconstitutionnel de pollution par les GES est déjà présent dans l’atmosphère, et que chaque tonne supplémentaire de pollution climatique contribue à dégrader davantage la qualité de l’air dans le Montana — ressources protégées par la Constitution — tout en accentuant le préjudice subi par les jeunes plaignants. Cette décision implique que l’État du Montana a désormais l’obligation de prendre des mesures concrètes pour réduire ses émissions de GES à l’avenir.

Significance of the Case

Le Montana est l’un des six États américains – avec Hawaï, l’Illinois, la Pennsylvanie, le Massachusetts et New York – dont la constitution protège explicitement l’environnement, bien que de nombreuses autres constitutions contiennent des protections pour les ressources naturelles. Les effets de l’arrêt Held sur le reste des États-Unis restent à déterminer, d’autant que la Cour a souligné que la Constitution du Montana offrait les protections environnementales les plus solides du pays. Toutefois, cette décision – en particulier ses conclusions factuelles détaillées – est appelée à faire jurisprudence en tant qu’autorité persuasive dans d’autres contentieux climatiques à travers le pays.

Le Montana Environmental Information Center souligne que la Cour suprême du Montana a exprimé son intention de faire preuve de retenue vis-à-vis du ministère de la Qualité de l’environnement dans la manière dont ce dernier évaluera, à l’avenir, les émissions de gaz à effet de serre (GES), tant que ses décisions ne sont ni « arbitraires » ni « capricieuses ». Il ne s’agit toutefois pas d’un « passe-droit », comme l’a rappelé la Cour. L’obligation d’examiner les émissions de GES avant toute approbation de projet par le ministère aura des effets concrets sur la protection de l’environnement du Montana. Elle empêchera également les autorités publiques d’éluder les devoirs positifs qui leur incombent en vertu de la Constitution de l’État. Par ailleurs, les décisions de fond prises en matière d’autorisations doivent désormais être compatibles avec l’obligation constitutionnelle de « préserver et améliorer » l’environnement et les ressources naturelles du Montana.

Par ailleurs, le principe juridique du « case-or-controversy standing » (avoir qualité et intérêt à agir dans le cadre d’un litige réel) aux États-Unis constitue un autre obstacle à l’introduction de poursuites similaires, bien que l’affaire Held établisse, là encore, un précédent important. Dans les tribunaux fédéraux américains, comme dans les tribunaux du Montana, les plaifnants ne peuvent invoquer de simples « griefs généraux » : ils doivent démontrer des préjudices spécifiques pour avoir qualité pour agir. Dans l’affaire Held, le tribunal de district a estimé que les plaignants, en tant qu’enfants et jeunes, subissaient des atteintes individualisées à leur santé physique et mentale, à leurs biens, à leurs intérêts financiers et fonciers, ainsi qu’à leurs pratiques et traditions tribales, suffisantes pour justifier leur intérêt à agir. L’analyse du standing réalisée dans Held pourra servir d’argument convaincant dans d’autres affaires, lorsque les plaignants devront démontrer leur qualité et intérêt à agir en cas de préjudices liés au climat ou à la pollution de l’air. La Cour suprême des États-Unis a d’ailleurs déjà reconnu, dans le passé, un tel intérêt à agir dans des affaires contestant des réglementations environnementales défavorables (voir, par exemple : Duke Power Co. v. Carolina Environmental Study Group, Inc., 438 U.S. 59 (1978) ; Massachusetts v. Environmental Protection Agency, 549 U.S. 497 (2007)). L’affaire Held pourrait ainsi inspirer de futurs recours contre des réglementations dommageables pour l’environnement.

Nous remercions particulièrement de ses contributions le membre du Réseau DESC : Program on Human Rights and the Global Economy at Northeastern University (PHRGE).