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Mardi, Novembre 27, 2018
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Le 30 octobre 2018, le Comité des droits de l’homme (CDH) a adopté l’observation générale n ° 36 concernant le droit à la vie (au titre de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). L’Observation générale n ° 36 (OG 36) constitue un important progrès normatif pour les droits civils et politiques, ainsi que pour les droits économiques, sociaux et culturels (DESC).

Les membres du groupe de travail sur le litige stratégique du Réseau-DESC, dirigé notamment par le Social Rights Advocacy Centre (SRAC), ont activement contribué à façonner le contenu de cette observation générale par le biais de soumissions, de discussions avec les organes de traités des Nations Unies et d’initiatives de plaidoyer. En juillet 2015, Bruce Porter, directeur exécutif du SRAC, a notamment représenté le groupe de travail sur le litige stratégique (GTLS) du Réseau-DESC lors d’une discussion générale tenue par le Comité des droits de l’homme pour élaborer l’observation générale actuellement adoptée.Un certain nombre de membres du GTLS et d’organisations partenaires ont contribué à la discussion d’une demi-journée. En octobre 2015, tous les membres du GTLS ont soumis un avis informel collectif au Conseil des droits de l’homme sur le projet de l’OG 36, en mettant l’accent sur l’accès à la justice dans le cadre du droit à la vie. En outre, en 2017, dans un appel à commentaires sur une version ultérieure de l’OG, au moins 11 organisations membres du Réseau-DESC ont présenté de manière indépendante des soumissions au CDH. Ces contributions comprenaient des contributions de Al-HaqAmnesty InternationalArab NGO Network for Development (ANND)Asia Pacific Forum on Women, Law and DevelopmentChild Rights International Network (CRIN)Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, International Commission of JuristsCenter for International Environmental Law (CIEL)Labour, Health and Human Rights Development Center, ainsi qu’une soumission conjointe du Center for Reproductive Rights, d’Amnesty International, de l’International Commission of Jurists et d’autres. En tout, le CDH a reçu plus de 150 soumissions en réponse à leur appel.

La pertinence de l’OG 36 pour les DESC

L’OG 36 fournit des orientations substantielles pertinentes pour les personnes privées du droit à la vie en raison de la pauvreté, de l’itinérance, de la faim, de l’absence de soins de santé et d’autres violations des droits sociaux.L’OG précise que le droit à la vie doit être interprété comme le droit de vivre dans la dignité (paragraphe 3) et aborde clairement les obligations des États en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs (paragraphe 8), la responsabilité des entreprises (paragraphe 22), les obligations extraterritoriales (paragraphes 22 et 63), les mesures de protection spéciales pour les défenseurs des droits humains (paragraphe 23), la non-discrimination, notamment en raison du statut socio-économique (paragraphe 61) et des droits relatifs à l’environnement (paragraphe 63).

Le paragraphe 26 de l’OG, particulièrement pertinent pour les droits économiques, sociaux et culturels, stipule que, conformément à l’obligation de protéger la vie, les États doivent prendre les mesures appropriées pour faire face aux conditions générales de la société susceptibles d’empêcher les individus d’exercer leur droit de vivre dignement, y compris la privation des terres, des territoires et des ressources pour les peuples autochtones, la prévalence de maladies potentiellement mortelles, la faim et la malnutrition généralisées, l’extrême pauvreté et l’itinérance.Le paragraphe 26 précise en outre que les États doivent fournir des biens et services essentiels tels que la nourriture, l’eau, le logement, les soins de santé, l’électricité et l’assainissement, et prendre des mesures positives pour promouvoir et faciliter des conditions générales adéquates telles que le renforcement des services efficaces de santé d’urgence et des programmes de logement social.

Remarquablement, l’OG n’inclut pas le libellé proposé dans un précédent projet visant à empêcher que les demandes relatives aux « conditions générales de la société » (étroitement liées aux DESC) soient examinées dans le cadre du mécanisme de plaintes individuelles du PF-PIDCP.Ce changement de rédaction a été soutenu par le plaidoyer du SRAC, d’autres membres du GTLS et des partenaires. La suppression de la formulation précédente renforce l’accès à la justice pour les victimes de violations de DESC, puisque l’admissibilité des demandes individuelles liées à des violations systémiques n’est plus limitée.

Jurisprudence relative au droit à la vie

Dans le même ordre d’idées, le CDH a également rendu une décision en août dernier dans l’affaire Nell Touissant c. Canada, dans laquelle il a constaté qu’en refusant l’accès aux services essentiels de santé à Mme Toussaint en raison de son statut de migrant en situation irrégulière, entraînant des préjudices potentiellement mortels, le Canada a violé son droit à la vie. Le SRAC était un coreprésentant du demandeur et les membres du Réseau-DESC ont soumis une opinion juridique conjointe sur cette affaire au Comité. Cette décision, qui adopte une interprétation progressive du droit à la vie similaire à l’OG 36, fournit également des orientations essentielles aux États concernant leurs obligations découlant du droit à la vie.

Pourquoi l’OG 36 est-elle importante?

Les observations générales des organes de traités des Nations Unies fournissent des orientations pour l’interprétation des droits internationaux des droits humains et aident les États à mettre en œuvre les obligations conventionnelles. Le CDH n’a pas publié d’observation générale sur le droit à la vie depuis plus de 30 ans et l’OG 36 remplace les OG 6 et 14 adoptées en 1982 et 1984 respectivement. La nouvelle OG met donc à jour le cadre normatif sur le droit à la vie, démontrant ainsi la nature évolutive des droits.

L’OG 36 renforce clairement la capacité de contester les violations structurelles du droit à la vie résultant de violations des droits économiques, sociaux et culturels, et met fortement l’accent sur l’indivisibilité et l’interdépendance des droits.Cela montre à quel point la participation active de la société civile au processus de développement normatif est essentielle pour renforcer la protection des droits humains et pour fonder l’évolution des normes dans les expériences vécues par les populations du monde entier, notamment les plus marginalisées.

À présent, il sera important que la société civile se mobilise afin de mieux faire connaître l’OG 36, ainsi que d’élaborer des stratégies et de renforcer les capacités sur la manière d’utiliser ces orientations afin de maximiser l’impact de l’OG 36.