La mise en œuvre participative de la décision relative à l’affaire D.H. favorise l’intégration des enfants roms dans les écoles tchèques
Affaire DH et autres c. la République tchèque, Requête no 57325/00, (Arrêt de Grande Chambre) (13 novembre 2007)
Dans cette affaire, les requérants contestaient le nombre disproportionné d’enfants roms en République tchèque considérés comme ayant besoin d’une éducation spécialisée et leur ségrégation dans des écoles destinées à des enfants présentant de « légères déficiences mentales ». Les requérants étaient des enfants tchèques d’origine rom, âgés de neuf à 15 ans, qui avaient été placés, entre 1996 et 1999, dans des « écoles spéciales » destinées aux enfants présentant des déficiences mentales. Leur situation n’avait rien d’exceptionnel. En 1999, la probabilité qu'un enfant rom soit placé dans une « école spéciale » était plus de 27 fois plus élevée que dans le cas d’un enfant non rom.
Les requérants ont fait valoir devant la Cour EDH que la ségrégation fondée sur la race ou l’origine ethnique constituait une violation du droit à l'éducation, reconnu à l'article 14 de la CEDH (interdiction de la discrimination) lu conjointement avec l’article 2 du Protocole no 1 (droit à l'éducation). La Grande Chambre a statué qu’il y avait eu une discrimination indirecte à l'égard des requérants dans le contexte de l'enseignement. Reconnaissant que les Roms constituent une minorité vulnérable demandant une protection spéciale, la Cour a affirmé qu’elle n’était pas « convaincue que la différence de traitement ayant existé entre les enfants roms et les enfants non roms reposât sur une justification objective et raisonnable et qu'il existât un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but à atteindre ». En ce qui concerne la question du consentement parental, la Cour a souligné qu’il est impossible de renoncer au droit de ne pas faire l’objet d’une discrimination raciale.
Cette décision historique a été la première à mettre en cause la ségrégation raciale structurelle dans l'enseignement devant la Cour EDH. La décision, démontrant une conception matérielle de l’égalité, contribue considérablement à l'abondante jurisprudence sur la discrimination dans l’enseignement. Pour la première fois, la Cour a expressément appliqué le principe de la discrimination indirecte, précisant sa position concernant le recours aux statistiques et l’impact de la charge de la preuve, offrant ainsi un modèle de stratégie pouvant servir aux minorités ségréguées à combattre d'autres formes de discrimination indirecte dans d'autres contextes.
L’approche collective plutôt qu’individuelle de l’affaire est particulièrement importante dans le contexte général de la discrimination continue à l’égard des Roms partout en Europe. Compte tenu que plusieurs Roms continuent de vivre dans des conditions d'extrême pauvreté et de se heurter à de sérieux obstacles à la jouissance de leurs droits fondamentaux, l’accès à l’éducation est primordial. Le maintien du modèle de mise en œuvre participative et partant de la base continue à inciter les parents et les alliés à combattre la discrimination largement répandue dans les systèmes d'éducation de la République tchèque et de plusieurs pays d'Europe.
Au fil des ans, des ONG nationales et internationales ont lancé diverses initiatives pour promouvoir la mise en œuvre de la décision, notamment la communication d’informations au Comité des ministres du Conseil de l’Europe, des actions de plaidoyer auprès d'organes de suivi des traités des Nations Unies, des publications et des événements d'envergure nationale. En 2013, il est toutefois devenu évident que la question ne se règlerait pas si les premiers concernés – les familles roms – n’étaient pas au premier rang des efforts déployés pour faire bouger les choses.
Depuis le lancement de la première campagne d’inscription en 2014, des intervenant-e-s communautaires ont aidé des familles roms à inscrire près de 200 enfants dans des établissements d’enseignement régulier de bonne qualité, détournant en même temps des ressources financières qui auraient été affectées à des écoles offrant de piètres résultats scolaires. La campagne consiste en un processus d’inscription organisé, soutenu par la menace de poursuites, visant à renforcer la position des parents par rapport aux écoles et aux municipalités. Les parents se préparent à l'aide d’une formation en organisation communautaire, une formation juridique au sujet de leurs droits et de tactiques leur permettant de résister aux pressions exercées par les professeurs pour qu'ils inscrivent leurs enfants dans des écoles de niveau inférieur. Des moniteurs/trices (généralement les parents roms eux-mêmes) recueillent des données pendant le processus d’inscription afin d’étayer d’éventuelles poursuites.
Il demeure tout de même essentiel de poursuivre les efforts de plaidoyer et d’organisation. Le groupe de parents mène un plaidoyer juridique auprès de la Commission européenne en lien avec les procédures d'infraction contre la République tchèque concernant la persistance de la discrimination dans l’enseignement. Ils sont en voie d’enregistrer la première association de parents roms en Europe, et prévoient étendre leurs activités en aidant des parents roms d’autres régions de la République tchèque à promouvoir l’éducation inclusive pour tous les enfants.
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