La compagnie de l’agro-industrie Syngenta est tenue responsable pour l’attaque armée à l’encontre des travailleurs ruraux sans terre au Brésil

Date de publication : 
Mercredi, 25 novembre 2015

Terra de Direitos a célébré une grande victoire juridique la semaine dernière lorsque le tribunal civil de Cascavel a statué que l’agro-industrie Syngenta, est responsable de la mort d’un militant sans terre qui a été tué par une milice armée privée sur la propriété de la compagnie. La sentence a imposé à la compagnie de payer une compensation à la famille de la victime, Valmir Mota de Oliveira (affectueusement surnommé « Keno » au sein du mouvement des sans terre du Brésil) au titre du préjudice moral et matériel subi. L’affaire a été portée en justice en 2010, par Terra de Direitos pour le compte de Movimento Sem Terra (MST) du Brésil.

La sentence a été applaudie par les mouvements sociaux et les organisations des droits humains au Brésil et dans le monde comme étant un cas emblématique où une grande compagnie est tenue responsable de violations des droits humains. Selon l’avocat principal de l’affaire, Fernando Prioste de Terra de Direitos, “les compagnies transnationales ont actuellement une liberté considérable d’opérer à l’échelle transnationale, mais il existe des normes et des mécanismes nationaux ou internationaux suffisants pour obliger les compagnies à respecter les droits humains ou pour les tenir responsables dans des affaires de violations des droits humains. Dans ce cas, le fait que Syngenta ait été tenue responsable de ces violations est une exception à la règle. »

C’est avec cette action largement célébrée que le juge a estimé qu’ « il n’y a pas de doute sur le fait que, en réalité, il s’agissait d’un massacre déguisé en restitution de propriété » contrairement à l’affirmation de la compagnie selon laquelle l’attaque qui a eu lieu en 2007 était le résultat d’une confrontation entre des miliciens et  des membres du mouvement des sans terre du pays. La compagnie avait aussi tenté de cacher sa responsabilité dans le meurtre en prétendant que les attaques n’ont pas été perpétrées par l’entreprise à laquelle elle a fait appel mais plutôt par une milice agissant sous les ordres des propriétaires terriens. 

Dans sa sentence, le juge a reconnu que le « mauvais choix dans le recours à des services de sécurité extérieurs, ainsi que le financement indirect d’activités illicites, est un facteur qui engendre une responsabilité civile ». De plus, le juge a condamné l’attaque avec véhémence en déclarant qu’ « aussi reprochable et illégitime que soit l’occupation de la propriété, rien ne justifie le fait de faire sa propre loi, et d’imposer la peine de mort à ses occupants. Des moyens juridiques pour résoudre le conflit auraient plutôt dû être sollicités dans la mesure où, après tout, le système juridique considère que l’exercice arbitraire de son propre jugement est un crime ». Ainsi, la sentence du tribunal ne réaffirme pas seulement la nature idéologique de l’action de la milice, mais elle associe aussi Syngenta à cette action.

La sentence du tribunal n’est pas définitive. Syngenta, peut faire appel à la cour d’appel de Paraná; cependant, Terra de Direitos est convaincu que la sentence sera maintenue. « Il y a de lourdes preuves contre la compagnie » note Prioste, « Si Syngenta était absoute cela équivaudrait au consentement du système judiciaire aux massacres comme celui ayant eu lieu dans cette affaire ».