Le Réseau-DESC et Dejusticia présentent un amicus curiae pour la liberté d’expression de l’avocate du Paraguay défenseuse du droit à la terre

Date de publication : 
Jeudi, 13 août 2015

Le Réseau international pour les droits économiques, sociaux et culturels (Réseau-DESC) et Dejusticia ont présenté le 28 juillet 2015 un amicus curiae dans une enquête administrative au Paraguay, pour protéger le droit à la liberté d’expression de l’avocate Julia Cabello, qui travaille depuis plus de dix ans à la défense des droits à la terre de la communauté Sawhoyamaxa.

L’avocate Julia Cabello (à gauche) avec Mariana Ayala (à droite) le jour où le sénat du Paraguay a approuvé la loi sur l’expropriation

Photo par Adriana Lugo

La communauté Sawhoyamaxa du village enxet a cherché la protection de son droit à la terre depuis les années 1990. Après avoir épuisé tous les recours juridiques internes du Paraguay, le peuple autochtone s’est tourné vers le système interaméricain pour qu’il sauvegarde ses droits à la vie et à la terre. En 2006, la cour IDH a ordonné à l’état du Paraguay qu’environ 14.000 hectares dont il est titulaire constituent le territoire ancestral du peuple autochtone. 

Satisfaisant la décision de la cour, le congrès a restitué 14.404 hectares de terres à la communauté Sawhoyamaxa, en vertu de la loi Nº 5194 de 2014. La constitutionnalité de la loi a été contestée devant la cour constitutionnelle de la cour suprême de justice et, en septembre 2014, la cour a rejeté avec unanimité le recours en inconstitutionnalité contre la loi. Cet échec a clos la discussion sur les droits du peuple Sawhoyamaxa et les démarches administratives pour restituer les terres à la communauté Sawhoyamaxa ont été engagées. 

Julia cabello (à droite)

 

Au moment de commencer les démarches administratives pour respecter l’ordre de la cour IDH et de la loi promulguée par le congrès du Paraguay, la Présidente de la cour constitutionnelle de la cour suprême de justice, Dr. Bareiro de Módica, a accepté un appel à ce recours en inconstitutionnalité contre la loi qui avait permis l’attribution des terres à la communauté Sawhoyamaxa. À cette occasion, les entreprises Kansol S.A. et Roswell Company S.A., propriété de Roedel, ont mis l’accent sur l’article 3 de la loi 5194 de 2014. Cette norme traite de l’indemnité qui doit être payée au propriétaire des terres expropriées pour être octroyées au peuple Sawhoyamaxa. Le contenu de cet article avait déjà été traité et rejeté au moment des délibérations du premier recours en inconstitutionnalité.

Face à cette action, Mme Cabello, avocate de Tierraviva, une organisation non gouvernementale qui représente juridiquement la communauté Sawhoyamaxa, a publié un communiqué dans lequel elle critique la décision de la cour d’accepter un deuxième recours. En réponse à cela, le Dr. Bareiro a présenté des charges contre elle devant le conseil de surintendance de la cour suprême. La cour a finalement rejeté le deuxième recours en inconstitutionnalité mais les poursuites contre Mme Cabello sont toujours en cours, ce qui implique une violation de son droit à la liberté d’expression. Elle risque d’être radiée du barreau du Paraguay ou d’être suspendue de l’exercice de ses fonctions pendant une durée pouvant s’élever à un an. 

Julia Cabello (à gauche) et Mariana Ayala (à droite)

Photo par Adriana Lugo

Le droit à la liberté d’expression est consacré dans de nombreux instruments des droits humains, comme par exemple dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Paraguay le 10 juin 1992 et la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH), ratifié par le Paraguay le 18 août 1989. Une fois ratifiés par l’état du Paraguay, les deux derniers instruments ont créé pour l’état des obligations juridiquement contraignantes de respect et de protection du droit à la liberté d’expression. Selon la sentence de la cour interaméricaine des droits de l’homme (Affaire Manuel Cepeda Vargas contre la Colombie. Sentence du 26 mai 2010. Exceptions préliminaires, fonds, dommages et intérêts) au sujet des discours formulés contre le gouvernement, il doit y avoir une protection particulière de la part des états, et ce y compris pour renforcer la défense de la démocratie.   

Consultez l’ amicus curiae présenté ici