Summary
Les requérants étaient des enfants tchèques d’origine rom, âgés de neuf à 15 ans, qui avaient été placés, entre 1996 et 1999, dans des « écoles spéciales » destinées aux enfants présentant des déficiences mentales. Leur situation n’avait rien d’exceptionnel. En 1999, la probabilité qu'un enfant rom soit placé dans une « école spéciale » était plus de 27 fois plus élevée que dans le cas d’un enfant non rom.
Les requérants ont fait valoir devant la Cour EDH que la ségrégation fondée sur la race ou l’origine ethnique constituait une violation du droit à l'éducation, reconnu à l'article 14 de la CEDH (interdiction de la discrimination) lu conjointement avec l’article 2 du Protocole no 1 (droit à l'éducation). Ils ont également fait valoir qu'il s'agissait d'une violation du droit à un procès équitable, reconnu à l'article 6 de la CEDH, et de l’article 3, concernant le traitement dégradant. Les plaintes au titre des articles 3 et 6 ont été déclarées inadmissibles.
En 2007, la Grande Chambre de la Cour EDH a statué qu’il y avait eu une discrimination indirecte à l'égard des requérants dans le contexte de l'enseignement, concluant à une violation de l’article 14 lu conjointement avec l’article 2 du Protocole no 1. La décision a mis l'accent sur le fait que la Convention couvrait non seulement des actes particuliers de discrimination à l'égard de personnes, mais aussi des dispositions structurelles et des pratiques institutionnalisées qui portaient atteinte aux droits fondamentaux de groupes raciaux ou ethniques.
Reconnaissant que les Roms constituent une minorité vulnérable demandant une protection spéciale, la Cour a signalé que cette affaire méritait une attention particulière. La Cour a affirmé qu’elle n’était pas « convaincue que la différence de traitement ayant existé entre les enfants roms et les enfants non roms reposât sur une justification objective et raisonnable et qu'il existât un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but à atteindre » (para. 208). En ce qui concerne la question du consentement parental, la Cour a souligné qu’il est impossible de renoncer au droit de ne pas faire l’objet d’une discrimination raciale, car cela se heurterait à un intérêt public important.
La Cour EDH a expressément appliqué le principe de la discrimination indirecte (para. 185-195), précisant qu’une telle discrimination pourrait prendre la forme d’effets préjudiciables disproportionnés d’une politique ou mesure générale qui, bien que formulée dans des termes neutres, est discriminatoire à l’égard d’un groupe. La discrimination indirecte n'implique pas nécessairement une intention de discriminer (para. 194). La Cour a signalé que, pour évaluer l'incidence de mesures ou de pratiques sur une personne ou sur un groupe, des statistiques fiables et significatives pourraient être acceptées (mais ne sont pas essentielles) pour constituer le commencement de preuve de discrimination indirecte. La Cour a affirmé que lorsqu’un commencement de preuve de discrimination est établi, il incombe à l'État défendeur de la réfuter « en démontrant que la différence en question n'est pas discriminatoire » (para. 189). La cour a également reconnu qu’il « serait en pratique extrêmement difficile pour les intéressés de prouver la discrimination indirecte sans un tel renversement de la charge de la preuve » (para. 189).
La Cour a fait amplement référence à la jurisprudence applicable en matière de droits humains, notamment aux traités internationaux relatifs aux droits humains, tels que la Convention relative aux droits de l’enfant, aux observations/recommandations générales des organes de suivi des traités des Nations Unies et à la jurisprudence comparée.
Au titre de l'article 41 (satisfaction équitable), la Cour a accordé 4,000 euros à chaque requérant pour dommage moral, et 10,000 euros à l'ensemble des requérants pour frais et dépens.