Summary
Avant la promulgation de l’Arrêté de 2013 concernant les frais à payer dans les tribunaux du travail et dans le tribunal d'appel en matière d'emploi (Arrêté sur les frais à payer) au Royaume-Uni, un requérant pouvait engager des procédures et des recours en appel en matière d’emploi sans payer aucun frais. Des frais ont été instaurés au titre de l’Arrêté sur les frais à payer, le montant variant en fonction de facteurs tels que la classification et la complexité de la requête. Les requêtes de type A (frais de 390 £) se réglaient généralement plus rapidement. Les requêtes de type B (1,200 £) concernaient notamment les cas de licenciement injustifié, d’égalité salariale et de discrimination. Elles demandaient généralement une gestion judiciaire plus poussée et la tenue d’audiences plus longues en raison de leur complexité juridique et factuelle. Les requêtes complexes entraînaient donc des frais plus élevés indépendamment du montant de la réparation demandée.
Le syndicat UNISON (le requérant), avec l’appui de la Commission sur l’égalité et les droits humains et du Syndicat des travailleurs et travailleuses autonomes de Grande-Bretagne en tant que parties intervenantes, a contesté la légalité de l’Arrêté sur les frais à payer devant la Cour suprême. Il a fait valoir que les frais portaient indûment atteinte au droit d’accès à la justice en vertu tant du common law que du droit européen, entravaient l’exercice de droits prescrits par la loi en matière d’emploi et étaient discriminatoires pour les femmes et autres groupes protégés.
Le gouvernement a fait valoir que les frais étaient légaux car il n’y avait aucune preuve concluante que quelqu’un avait été privé de l’accès aux tribunaux pour incapacité de paiement. Il considérait que les frais étaient abordables car les personnes démunies étaient admissibles à une annulation intégrale des frais et les autres ont les moyens de payer. Rejetant ces arguments, la Cour a confirmé qu’il ne fallait pas de « preuve concluante » pour déterminer la privation d’accès à la justice. La démonstration d’un risque réel est suffisante et la Cour a déduit de la baisse marquée et soutenue du nombre de requêtes qu’un nombre important de personnes qui auraient autrement déposé une requête considéraient les frais inabordables. L’annulation discrétionnaire des frais a été jugée insuffisante car les problèmes relevés étaient systémiques plutôt que limités à des cas exceptionnels. La Cour a de plus statué que ce ne sont pas seulement des frais inabordables qui entravent l’accès à la justice, mais aussi des circonstances où les frais rendraient futile ou irrationnel le dépôt d'une requête. Fait important, la Cour a conclu que les frais ne pouvaient pas être considérés comme abordables « [l]orsque les ménages aux revenus faibles à moyens ne peuvent assumer les frais qu’en sacrifiant des dépenses ordinaires et raisonnables nécessaires pour maintenir ce qui serait généralement considéré comme un niveau de vie acceptable. »
La Cour a déterminé que même une entrave à l’accès aux tribunaux qui ne soit pas insurmontable sera illégale à moins qu’elle ne puisse être justifiée comme étant raisonnablement nécessaire à la réalisation d’un objectif légitime. Trois arguments ont été avancés pour justifier l’imposition des frais. En premier lieu, que les frais permettraient de faire passer une partie de la charge financière des contribuables aux personnes utilisant le système. En deuxième lieu, pour décourager le dépôt de requêtes mal fondées ou malveillantes. En troisième lieu, pour encourager des règlements plus rapides. À partir des éléments dont elle disposait, la Cour a rejeté chacun des arguments.
Entre autres références légales, la Cour s’est appuyée au niveau national sur le droit constitutionnel au libre accès aux tribunaux et, au niveau régional, sur la norme de la protection judiciaire effective consacrée dans la Convention européenne des droits de l’homme et réaffirmée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Finalement, la Cour a conclu que l’Arrêté sur les frais à payer était illégal en vertu tant du droit interne que du droit européen du fait qu’il avait l’effet d’entraver l’accès à la justice et a ordonné son annulation.
La Cour a également conclu que l’Arrêté sur les frais à payer était indirectement discriminatoire au titre de la Section 19 de la Loi sur l'égalité de 2010 car les frais plus élevés pour certaines requêtes (c.-à-d. de type B) défavorisaient particulièrement les femmes et autres personnes ayant des caractéristiques protégées, qui déposent une plus grande partie de ces requêtes.