Summary
La Commission internationale de juristes (CIJ) et le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE) ont allégué que les enfants migrants en Grèce et sur les îles grecques ont été privés de leurs droits qui sont garantis par la Charte sociale européenne révisée (ci-après « la Charte »). Ceux-ci incluent les droits à un logement compatible avec la dignité humaine, les protections sociales, juridiques et économiques, la santé, l’assistance sociale et médicale et l'éducation. Le Comité européen des droits sociaux a conclu que le gouvernement grec avait violé les articles 31§§1 et 2, 17§1, 7§10, 17§2 et 11§§1 et 3 de la Charte. Les enfants migrants, quel que soit leur statut d'immigration, relèvent du champ d'application de ces articles de la Charte et ont droit à la protection de leurs droits fondamentaux à la vie, à l'intégrité physique et psychologique et à la dignité humaine. La majorité des enfants migrants visés par cette plainte étaient des réfugiés ou des demandeurs d'asile.
Les violations de l'article 31§§1 et 2 de la Charte concernent le droit au logement. Le Comité a déterminé que les enfants migrants accompagnés et non accompagnés souffrent d'importants problèmes de surpeuplement, d'assainissement et de sécurité dans les centres d'accueil et d'identification des îles. Les enfants migrants non accompagnés sont sans abri et vivent dans des logements de longue durée inappropriés sur le continent. Le Comité a estimé que « le caractère exceptionnel de la situation résultant d'un afflux croissant de migrants et de réfugiés et les difficultés pour un Etat de gérer la situation à ses frontières ne sauraient dispenser cet Etat de ses obligations au titre de l'article 31§2 de la Charte de fournir refuge aux enfants migrants et réfugiés, compte tenu de leurs besoins spécifiques et de leur extrême vulnérabilité », et qu'il en va de même pour l'article 31§1. Toutefois, le Comité a conclu qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 31§1 en ce qui concerne la fourniture de nourriture.
La violation de l'article 17§1 de la Charte concerne le droit des enfants aux soins, à l'assistance et à la protection. Le Comité a déterminé que le gouvernement grec avait commis une violation de l'article 17§1 pour les mêmes problèmes de logement entraînant des violations de l'article 31§§1 et 2. Le Comité a également constaté que le gouvernement grec n'avait pas mis en place un système de tutelle approprié pour les enfants migrants non accompagnés et séparés, même si, en vertu de l'article 17§1, un tel système est « une condition préalable pour garantir l'intérêt supérieur et la prise en charge et l'assistance de tels enfants. Le système de tutelle actuel dans lequel un procureur agit en tant que tuteur temporaire fait que les procureurs sont les tuteurs à long terme d'un grand nombre d'enfants qu'ils ne peuvent pas soutenir ou conseiller efficacement. Alors que la nouvelle loi grecque 4554/2018 mettrait le gouvernement en conformité avec l'article 17§1 en ce qui concerne la tutelle, sa mise en œuvre a été retardée et n'a donc pas pu être considérée comme effective au moment de la décision du Comité. Enfin, le Comité a également conclu à une violation de l'article 17§1 pour la pratique du gouvernement consistant à détenir des enfants migrants au motif de la « détention préventive ». Dans le cadre de la « garde à vue », les enfants peuvent être détenus dans des postes de police ou des établissements fermés sans limite de temps obligatoire ni évaluation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ces détentions surviennent en raison du manque de logements et punissent les enfants pour leur statut migratoire. La détention d'enfants migrants non accompagnés a été critiquée et déclarée illégale par de nombreux organes internationaux, notamment ce Comité.
La violation de l'article 7§10 de la Charte concerne le droit des enfants à la protection. Les États parties à la Charte ont l'obligation de prévenir l'exploitation et la traite des enfants des rues. En raison d'un logement et d'une tutelle inadéquats de la part du gouvernement grec, de nombreux enfants migrants sont sans surveillance et vivent dans la rue, ce qui les expose à la violence, à la traite et à l'exploitation. Il y a eu des allégations de violence et d'exploitation sexuelle contre des enfants non accompagnés, mais les enfants n'ont pas l'aide d'un tuteur pour signaler efficacement de tels cas. En conséquence, le Comité a estimé que la Grèce avait manqué à son obligation de protéger les enfants migrants des dangers physiques et moraux.
La violation de l'article 17§2 de la Charte concerne le droit des enfants à un enseignement primaire et secondaire gratuit. Indépendamment de leur statut d'immigration, tout enfant résidant dans un État partie doit recevoir une éducation formelle comparable à celle reçue par les enfants nés dans le pays. Les enfants migrants sur le continent bénéficient des programmes d'éducation que le gouvernement grec a mis en œuvre, mais la mise en œuvre sur les îles a été lente. Comme moins d'un quart des enfants migrants sur les îles grecques étaient inscrits à l'école publique au moment de la décision du Comité, celui-ci a estimé que la Grèce n'avait pas fourni une éducation efficace aux enfants sur les îles grecques.
Les violations des articles 11§§1 et 3 de la Charte concernent le droit à la protection de la santé. Le Comité a noté qu'un logement approprié est une mesure préventive nécessaire pour réduire le risque de problèmes de santé physique et mentale chez les enfants, et que les enfants du continent et des îles manquent de logement approprié. Sur les îles, il y a une pénurie continue d'installations et de personnel médicaux et psychologiques. Le Comité a estimé que la Grèce n'avait pas fourni de soins de santé adéquats aux enfants migrants sur les îles, ainsi qu'aux enfants vivant dans la rue ou en « détention préventive » sur le continent.