Ordonnance 149 de 2022

En 2004, la Cour constitutionnelle de Colombie s'est penchée sur l'affaire T-025, dans laquelle elle a déclaré l'existence d'une situation inconstitutionnelle concernant des millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) en raison du conflit armé qui sévissait dans le pays. Cette situation inconstitutionnelle était le résultat de graves violations des droits humains associées aux lacunes systémiques de l'État dans la protection des personnes déplacées à l'intérieur de leurs frontières nationales. Afin de remédier à cette situation inconstitutionnelle, la Cour a mis en place un mécanisme de suivi composé de deux types de procédures : (1) des procédures spéciales visant à évaluer les progrès réalisés par divers organismes gouvernementaux, dans le cadre desquelles ces organismes étaient tenus de présenter des rapports périodiques sur leur conformité aux ordonnances de la Cour ; et (2) des « autos de seguimiento » (ordonnances de suivi), des documents écrits supplémentaires de la Cour qui détaillaient et clarifiaient les ordonnances de la Cour dans l'affaire T-025, en mettant l'accent sur les groupes de personnes les plus vulnérables et les plus durement touchés par le conflit armé interne. Cette « Auto » (Ordonnance) précise les responsabilités du gouvernement national en ce qui concerne l'assistance disponible pour la population déplacée pendant la pandémie de COVID-19, compte tenu du fait que cette population continue de subir des conséquences disproportionnées dans la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Date de la décision: 
27 jan 2020
Forum : 
Chambre spéciale chargée du suivi de l'arrêt T-025 de 2004
Type de forum : 
Domestique
Résumé : 

Le Secrétariat aux politiques relatives aux personnes déplacées a sollicité une décision de la Cour concernant la situation des populations déplacées dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Cette demande est intervenue en raison de l'absence d'inclusion des personnes déplacées dans la réponse de l'État à la pandémie, qui était principalement axée sur les personnes âgées et les individus en situation de pauvreté et de vulnérabilité. Le Secrétariat, en soumettant cette demande d'« auto » (ordonnance), a justifié sa démarche en soulignant que l'état d'inconstitutionnalité persistait pour les personnes déplacées, ce qui maintenait la compétence de la Cour pour superviser la mise en œuvre de politiques les concernant. Par conséquent, selon le Secrétariat, la Cour avait le pouvoir d'émettre cette décision. La Cour a accepté la demande et a expliqué comment cette ordonnance était conforme à la doctrine de la séparation des pouvoirs et à son mandat découlant des affaires T-025 de 2004.

Le Secrétariat a sollicité de la Cour les injonctions suivantes à l'égard de la population déplacée (1) Allocation de ressources pour couvrir les besoins de base ; (2) Mise en place de mesures de protection spéciales pour les personnes âgées présentant des risques sanitaires accrus ; (3) Utilisation du registre des personnes déplacées pour établir des priorités au sein de cette population ; (4)  Création de mesures de protection spéciales pour les régions touchées par la violence structurelle et une vulnérabilité économique particulière.

La Cour a analysé en premier lieu les trois formes d'aide gouvernementale disponibles pendant la pandémie de COVID-19, à savoir : (1) les mesures de protection sociale ; (2) l'aide humanitaire ; et (3) les réparations complètes pour les victimes du conflit armé. Bien que ces formes d'aide gouvernementale puissent être applicables dans des contextes différents, la Cour a établi que les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays ont droit à ces trois types d'aide. Cette décision découle de la longue crise humanitaire à laquelle elles sont confrontées, de l'extrême pauvreté touchant la majorité de cette population et de l'impact disproportionné des actes violents commis pendant le conflit armé sur les personnes déplacées. En résumé, les personnes déplacées ont droit à des mesures de protection sociale en raison de leur situation d'extrême pauvreté et de vulnérabilité, à une aide humanitaire en raison de leur déplacement forcé, et à des réparations en tant que victimes du conflit armé.

La Cour a également insisté sur l'importance pour le gouvernement national de suivre les principes d'égalité et de non-discrimination dans la mise en œuvre de ses politiques sociales envers la population déplacée. Étant donné que les personnes déplacées font déjà l'objet de discrimination et d'inégalité en raison de leur statut, ces principes exigent que la réponse de l'État intègre explicitement la situation des personnes déplacées dans sa lutte contre la pandémie de COVID-19.

Application des décisions et résultats: 

La Cour a ordonné au gouvernement national de prendre en compte ces principes dans la mise en œuvre de ses plans visant à lutter contre la pandémie de COVID-19. Cela implique de mener une analyse différenciée des divers besoins de la population déplacée et d'envisager la possibilité d'accorder diverses sources d'aide gouvernementale pour répondre à ces besoins spécifiques.

Importance de la jurisprudence: 

L’affaire établit des normes concernant l'assistance aux personnes déplacées pendant la pandémie de COVID-19, une population qui a été particulièrement touchée par cette crise. 

De plus, la demande du Secrétariat aux affaires des personnes déplacées adressée à la Cour montre comment les institutions de contrôle judiciaire établies depuis longtemps commencent à influencer les systèmes bureaucratiques en place pour soutenir les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. 

Thème principal : 
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