Rapport sur les manifestations liées aux enjeux économiques et sociaux en Tunisie

Date de publication : 
Vendredi, 17 mars 2017

Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), membre du Réseau-DESC, a publié ses rapports mensuels sur les manifestations sociales liées aux droits économiques, sociaux et culturels qui ont eu lieu dans le pays aux mois de janvier et février derniers. Depuis septembre 2013, le FTDES publie des rapports mensuels en arabe et en français sur les activités des mouvements sociaux en Tunisie.

Le FTDES a identifié plusieurs tendances significatives dans les rapports publiés sur l'état des manifestations sociales en Tunisie au début de 2017.

Difficultés économiques, accès aux services et marginalisation sociale

En Tunisie, les régions de l'intérieur du pays abritent les plus grandes populations vivant dans des conditions de pauvreté et de marginalisation sociale. Ces régions ont également été frappées par de fortes pluies et des tempêtes de neige au début de l'année, causant des inondations et déclenchant une vague de manifestations pour exiger l'accès aux services sociaux essentiels, notamment à l'infrastructure et à la gestion des catastrophes et aux secours. Ces derniers mois ont également été marqués par des manifestations liées au chômage et au sous-emploi. D’après certaines informations, les politiciens auraient promis d'aborder ces enjeux avant les élections législatives, suscitant des attentes qu’ils n’ont pas pu remplir par la suite.

Les manifestations ont également dénoncé la considérable inflation des prix au mois de janvier suite à une annonce gouvernementale controversée d'une décision budgétaire de geler les augmentations salariales sans introduire des mesures visant à arrêter l'inflation et la détérioration du pouvoir d'achat, qui menace la capacité des classes moyennes et populaires de maintenir un niveau régulier de consommation. En outre, le FTDES a observé que l'inflation des prix des matières premières a été accompagnée d'une production excédentaire de certains produits agricoles (principalement le lait l'an dernier et les agrumes cette année), entravant la rentabilité des propriétaires agricoles et la sécurité d'emploi des travailleurs agricoles. Les manifestants ont également dénoncé la concurrence déloyale dans la vente locale de produits manufacturés, dont les prix auraient été réduits par la contrebande ou les importations à bas prix. D’après le FTDES, l’incapacité des organismes nationaux de surveillance à résoudre ces problèmes économiques a encore aggravé les tensions au sein de la société civile.

Les soins de santé, l’éducation et l’environnement

De nombreuses vagues de manifestations ont également eu lieu concernant les soins de santé. Ces actions allaient de la demande de révision d'une loi sur les drogues (un tiers des personnes incarcérées en Tunisie ont été condamnées pour des charges liées à la consommation, à la détention ou au trafique de drogues) jusqu’à l’adoption de mesures appropriées pour restreindre le trafique de médicaments et d’outils importés. Le personnel médical a entraîné des manifestations afin d’exiger des modifications de la législation en matière de négligence professionnelle tandis que les résidents des régions intérieures ont dénoncé le retour de certaines maladies prétendument éradiquées, ainsi que le manque d'installations médicales spécialisées, de médicaments et d'équipement médical dans les hôpitaux régionaux.

Pour les écoles tunisiennes, le mois de janvier a été rempli d’examens et de vacances ; cependant au mois de février, les manifestations liées à l'éducation ont soulevé des préoccupations exprimées par les parents concernant les grèves des enseignants dans plusieurs régions, ainsi que la dénonciation de la violence perpétrée contre les étudiants et leurs parents dans les établissements d'enseignement.

L'environnement a également été au cœur des manifestations. Les craintes de pollution provenant du phosphogypse (un sous-produit du processus du minerai de phosphate dans l'engrais, qui peut être radioactif dans certains cas) ont incité les manifestants à demander aux organismes de surveillance de prendre des mesures opérationnelles et rapides afin de mettre fin au gaspillage environnemental irresponsable et de protéger la santé des citoyens contre les menaces de pollution. La gestion des déchets est une autre question qui a suscité des manifestations à travers la Tunisie.

Observations

Le FTDES a relevé avec préoccupation que les manifestations sociales décrites ci-dessus ont été très faiblement médiatisées, reflétant une diminution de l'attention accordée par de nombreux partis politiques à ces revendications communautaires. La décentralisation progressive des mouvements de protestation des grandes villes aux petites municipalités, aux villages et aux zones rurales, et loin des grandes villes et des zones côtières, a également abouti à une absence d'attention nationale à leur égard. Cependant, tel que l’a souligné le Forum dans son rapport du mois de février, « En effet, ces mouvements de protestation ne sont ni un complot ni inutile ni un gaspillage de temps, d'acquis ou de la révolution… ». D’après le FTDES, ces protestations reflètent une situation nécessitant une intervention des décideurs et des administrateurs nationaux qui n'ont pas répondu aux attentes suite aux engagements ambitieux adoptés au cours des dernières élections et suite à leur refus de reconnaître les profondes inégalités qui existent dans toutes les régions du pays. Le Forum attire également l'attention sur la persistance de la pauvreté et de l'accès insuffisant aux services sociaux, ainsi que sur l'incapacité du gouvernement à apporter des réponses efficaces à la pénurie d'eau potable, à l'inflation des prix, à la hausse du chômage et à d'autres conditions qui menacent la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels en Tunisie.

Si vous souhaitez lire les rapports :

Le rapport du mois de janvier est disponible en arabe et en français

Le rapport du mois de février est disponible en arabe et en français