La Cour suprême de l’Inde rend une décision protégeant les droits fonciers
Kedar Nath Yadav c. l’état du Bengale occidental et autres, Appel civil no 8438 de 2016
En 2006, le gouvernement du Bengale occidental a accepté de laisser Tata Motors Ltd. construire et exploiter une unité de production automobile dans son état. En conséquence, la Société de développement industriel du Bengale occidental (WBIDC selon son sigle en anglais) a acquis environ 1000 acres de terre agricole pour le projet au titre de la Loi sur l'acquisition de terres, 1894, portant atteinte aux moyens de subsistance de quelque 25,000 personnes – agriculteurs/trices, métayers/ères, travailleurs/euses sans terre et tireurs de pousse-pousse. Des oppositions ont été présentées au Land Acquisition Collector (LAC), qui a conclu par la suite que les terres étaient acquises à une fin d’utilité publique, à savoir la création d’emplois et le développement économique.
Cependant la Cour suprême de l’Inde a déterminé que les terres acquises par la WBIDC pour Tata Motors ne l'avaient pas été à une fin d'utilité publique au titre de la Loi sur l’acquisition de terres, mais qu'elles avaient été acquises par le gouvernement de l’état pour une entreprise. Dans ce contexte, le gouvernement antérieur avait exercé son pouvoir d’expropriation pour cause d’utilité publique (c.-à-d. le droit qu’a un gouvernement ou son agent d’exproprier une propriété privée pour la destiner à l’usage public, moyennant le versement d’une indemnité) sans suivre la procédure établie dans la Loi sur l'acquisition de terres (notamment aux sections 3(f), 4, et 6, et VII), privant ceux qui avaient perdu leur terre de leurs droits constitutionnels et fondamentaux.
La Cour a annulé l'acquisition des terres appartenant aux propriétaires fonciers, la déclarant illégale et non avenue. La Cour a ordonné au Gouvernement du Bengale occidental de mener une enquête pour déterminer quelles terres devaient être rendues, puis les rendre. La Cour a de plus ordonné que l'indemnité qui avait déjà été versée aux propriétaires fonciers ne soit pas recouvrée par le gouvernement de l'état, en guise de réparation pour avoir été privés de l'occupation et de la jouissance de leurs terres pendant dix ans, permettant aussi aux propriétaires fonciers qui n'avaient pas encore retiré leur indemnité de le faire.
Pour la première fois, la Cour suprême de l'Inde a établi une nette distinction entre l'acquisition de terres effectuée par un gouvernement pour cause d'utilité publique ou au bénéfice d'une entreprise privée. Notamment, la Cour a déclaré qu’« [u]ne telle acquisition, si elle se maintenait, ferait que toute acquisition des terres des secteurs les plus vulnérables de la société puisse être justifiée au nom de "l’utilité publique" pour promouvoir le développement socio-économique.
À cet égard, et compte tenu du rythme du développement économique, la Cour a confirmé que « lorsque le poids de ce "développement" est porté par les secteurs les plus faibles de la société, pire encore, par les travailleurs et travailleuses agricoles pauvres qui n’ont aucun moyen de protester contre l’intervention du puissant gouvernement de l’état, comme c’est le cas dans la situation qui nous intéresse, le gouvernement de l’état a la lourde responsabilité de veiller à ce que la procédure obligatoire établie… soit scrupuleusement respectée. »
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