La Cour africaine a rendu un jugement historique dans l’affaire relative aux droits fonciers de la communauté ogiek

Date de publication : 
Lundi, 22 mai 2017

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, dans le cadre de sa 45ème session, le 26 mai 2017 à Arusha, a statué en faveur des autochtones ogiek dans la procédure engagée par eux contre le gouvernement kenyan pour violation systématique et négation de leurs droits fonciers.  La Cour a décidé, à l’issue d'un processus de huit ans, que le gouvernement kenyan avaient violé sept articles de la Charte africaine.

C’est la première fois que la Cour africaine, en activité depuis 2006, statue sur une affaire relative aux droits des peuples autochtones, qui est de loin l’affaire la plus importante portée devant la Cour.  Elle a d'abord été introduite auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, mais a été pour la première fois dans l’histoire renvoyée à la Cour du fait qu’elle témoigne de graves violations massives des droits humains. Les membres du Réseau DESC Minority Rights Group International (MRG), Ogiek Peoples’ Development Program (OPDP) et CEMIRIDE étaient les trois premières parties plaignantes devant la Commission africaine.

Les Ogiek, dont 35,000 sont les victimes dans cette affaire historique, vivent dans le Complexe forestier de Mau dans la Vallée du Rift au Kenya.  Ils constituent l’une des dernières communautés vivant dans la forêt et comptent parmi les peuples autochtones les plus marginalisés au Kenya. Ils font état de huit violations de leur droit à la vie, à la propriété, aux ressources naturelles, au développement, à la religion et à la culture par le gouvernement kenyan au titre de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, dont le Kenya est signataire. 

« Pour les Ogiek, c’est une nouvelle page dans l’histoire.  La question des droits fonciers des Ogiek a finalement été entendue et l’affaire leur a permis de se sentir importants. Je sais que l’affaire donne aussi espoir à d’autres peuples autochtones : Elle a rendu les enjeux crédibles, » a dit Daniel Kobei, directeur général d’OPDP en apprenant la décision de la cour régionale.

L’affaire a été entendue par la Cour africaine en novembre 2014.  MRG a fait une intervention orale au nom des parties plaignantes initiales, tandis que deux membres de la communauté ogiek et d’autres témoins experts ont rendu leur témoignage.  MRG a aidé 25 membres de la communauté ogiek à assister à l’audience et a permis à 40 autres de regarder l'audience au Kenya en la retransmettant en direct depuis la Cour.

« Cette affaire est d’une importance fondamentale pour les peuples autochtones d’Afrique, et particulièrement dans le contexte des conflits entre communautés ayant cours à l’échelle du continent et qui sont provoqués par les pressions sur les terres et les ressources, » a déclaré Lucy Claridge, directrice juridique de Minority Rights Group International. « Fait fondamental, la Cour a reconnu que les Ogiek - et par conséquent plusieurs autres peuples autochtones d’Afrique - ont un rôle de premier plan à jouer en tant que gardiens des écosystèmes locaux, et pour ce qui est de la conservation et la protection des terres et des ressources naturelles, dont la forêt de Mau,» a-t-elle ajouté.

En mars 2013, la Cour africaine a émis une ordonnance de mesures provisoires demandant au gouvernement kenyan de mettre fin aux transactions foncières dans la Forêt de Mau et de s’abstenir de toute action pouvant compromettre l’affaire jusqu'à ce qu'elle ait pris une décision.   Cette ordonnance n’a malheureusement pas été respectée.

Pendant des dizaines d’années, les Ogiek ont été systématiquement et arbitrairement expulsés de force de leur territoire ancestral dans la Forêt de Mau par le gouvernement kenyan, sans consultation ni indemnisation.  Cela a eu une incidence négative sur la continuité de leur mode de vie traditionnel, leur vie religieuse et culturelle, leur accès aux ressources naturelles et leur existence même en tant que peuple autochtone.  Les Ogiek entretiennent un lien spirituel, affectif et économique avec la forêt.  Ils en dépendent pour leur alimentation, leur habitation et leur identité.

Source : Minority Rights Group International