Le Réseau DESC envoie une lettre à la CADHP concernant la restitution des terres aux Endorois

Date de publication : 
Vendredi, 10 mars 2017

Au cours des cinq dernières années, le Groupe de travail en litige stratégique (SLWG) de Réseau-DESC a favorisé la restitution des terres à la communauté Endorois par la mise en œuvre de la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), en utilisant une variété de stratégies. Le 22 février 2017, GTLS du Réseau DESC a envoyé une lettre à la CADHP en appui à l’application de l’une des règles du règlement intérieur de la Commission concernant le Conseil de protection sociale des Endorois (Endorois Welfare Council) au Kenya. 

La lettre, signée par l’ensemble des membres du Groupe de travail, réitère l’appui de celui-ci à une demande faite par Minority Rights Group International et le Centre for Minority Rights pour que la CADPH applique la Règle 112(8), concernant le suivi des recommandations formulées par la Commission dans la Communication 276/2003, au nom du Conseil de protection sociale des Endorois c. le Kenya.

Le Groupe de travail a encouragé la Commission à inviter le Sous-comité du Comité des représentants permanents et le Conseil exécutif à exiger que le gouvernement kenyan adopte, en consultation étroite avec les Endorois, une feuille de route détaillée établissant un échéancier raisonnable pour la mise en œuvre de chacune des recommandations de la Commission dans l’affaire de la communauté endorois

La mise en œuvre des recommandations formulées par la CADHP dans l’affaire de la communauté endorois pourrait, comme l’a souligné le GTLS, faire avancer les droits des peuples autochtones en Afrique et partout dans le monde.

Vous pouvez lire la lettre (en anglais) ici

Contexte

Dans les années 1970, le gouvernement kenyan a expulsé des centaines de familles Endorois de leurs terres autour de la région du lac Bogoria, dans la vallée du Rift, pour créer une réserve animalière pour le tourisme. Le gouvernement kenyan avait promis une indemnisation et des avantages sociaux aux Endorois, une communauté de pasteurs, mais ces ordonnances n’ont jamais été pleinement appliquées, et l'accès de la communauté à la terre a été limité aux zones autorisées établies par le pouvoir discrétionnaire de l'autorité de la réserve animalière. Cela a empêché à la communauté d'exercer son mode de vie pastoral, d’utiliser des sites cérémoniels et religieux, et d’accéder aux médecines traditionnelles. En 2003 le Centre pour le développement des droits des minorités (CEMIRIDE) et MRG International ont soumis une demande devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples au nom du EWC.

En 2010, la Commission africaine a statué que le gouvernement kenyan avait violé les droits des Endorois à la pratique religieuse, à la propriété, à la culture, à la libre disposition des ressources naturelles et au développement, en vertu de la Charte africaine (articles 8, 14, 17, 21 et 22, respectivement). La Commission a également établi que le gouvernement devrait restituer les terres ancestrales des Endorois, garantir un accès sans restriction au lac Bogoria, payer une indemnisation adéquate pour toutes les pertes subies, payer des redevances sur les activités économiques existantes, et entamer un dialogue avec les plaignants. Six ans plus tard, la décision doit encore être mise en œuvre par le gouvernement kenyan.

Depuis 2012, le Réseau international des droits économiques, sociaux et culturels, sous l’initiative de ses membres MRG International (ainsi que les principaux représentants légaux Endorois), CEMIRIDE, Dejusticia (Colombie), Hakijamii (Kenya), KHRC (Kenya), KLA (Kenya), et SERI-SA (Afrique du Sud), entre autres, s’est joint au plaidoyer du EWC pour la mise en œuvre de la décision de la Commission africaine:

  • En 2012, une réunion stratégique a eu lieu avec le EWC pour discuter de la mise en œuvre.
  • En 2013, 2014 et 2015, des membres du Réseau-DESC (MRG international, Dejusticia, KLA, KHRC, CEMIRIDE, et autres) et des membres du secrétariat du Réseau-DESC ont collaboré avec le EWC afin d'organiser des ateliers sur la restitution des terres, l’indemnisation et l’inscription.
  • Au cours des dernières années, les membres et le personnel du secrétariat du Réseau-DESC ont mené des enquêtes sur les pertes immatérielles subies par la communauté Endorois. En outre, les principales organisations membres kenyanes, telles que KHRC et KLA, ont collaboré avec différentes agences gouvernementales afin de développer des opportunités pour un dialogue plus constructif entre les Endorois et le gouvernement kenyan. 
  • En Septembre 2014, le gouvernement kenyan a créé un groupe de travail pour la mise en œuvre des recommandations de la CADHP avec un mandat d'un an. Le groupe de travail était une importante avancée, mais il a suscité quelques inquiétudes, telles qu'identifiées par les organisations membres du Réseau-DESC impliquées dans la mise en œuvre des recommandations : (i) les Endorois n’ont pas été consultés sur la mise en place du groupe de travail, il n’existe aucune obligation de consulter le Endorois Welfare Council ou n’importe quel représentant Endorois, et il n'y a aucune représentation Endorois dans le groupe de travail lui-même ; (ii) il est uniquement constitué de fonctionnaires gouvernementaux, et ; (iii) il a été créé pour «étudier la décision», «fournir des orientations sur les implications politiques, sécuritaires et économiques de la décision» et pour «examiner les potentielles répercussions environnementales de la mise en œuvre sur le lac Bogoria et la région environnante ». Le 23 octobre 2014, les organisations membres kenyanes, EWC, KHRC et KLA, ainsi que des partenaires internationaux, le professeur Hansungule (basé en Afrique du Sud), MRG International, Dejusticia (basé en Colombie), et le secrétariat du Réseau-DESC ont participé à la première réunion du groupe de travail créé par le gouvernement kenyan pour répondre à ces préoccupations. En août 2016, le mandat du Groupe de travail n'a pas été renouvelé.
  • En novembre 2015, le EWC était représenté par Christine Kandie à la 57e session de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), qui a eu lieu à Banjul, en Gambie. Kandie a souligné la Décision 2010 de la CADHP concernant la restitution des terres aux Endorois et a affirmé que le gouvernement kenyan devrait prendre des mesures plus concrètes pour sa mise en œuvre.

Le EWC a organisé des réunions périodiques pour évaluer les possibilités d’une future mise en œuvre avec la participation de la communauté Endorois, notamment des femmes Endorois.

Le SLWG et le WESCR du Réseau-DESC souhaitent demeurer engagés dans cet effort pour inclure les femmes dans la mise en œuvre de la décision sur les Endorois, en vue de renforcer les possibilités de mise en œuvre ainsi que de protéger davantage les droits des femmes. Les prochaines étapes comprendront l'organisation d'un nouvel atelier en 2017, où seront traitées les discussions spécifiques sur la participation politique au sein du EWC, l'indépendance économique et les inégalités entre les femmes.

Photo credit: Minority Rights Group International