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Mardi, Juillet 24, 2018
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Nell Toussaint Advocacy Was Fierce And Tireless. RICHARD LAUTENS
Nell Toussaint. Photo : Richard Lautens

Mise à jour (20 janvier 2023) : Malheureusement, Nell Toussaint est décédée le 9 janvier 2023, mais la lutte pour garantir la pleine application de la décision obtenue de haute lutte à l’ONU se poursuit.

 

L’ONU (Organisation des Nations-Unies) constate des violations des droits des migrants en situation irrégulière qui se voient refuser des services de santé essentiels.

Le Comité a affirmé l’obligation positive des États de veiller à ce que chacun ait accès aux soins de santé essentiels nécessaires pour prévenir les risques prévisibles pour la vie, quel que soit son statut migratoire. En outre, le Canada doit fournir une réparation à la fois systémique et individuelle, en révisant sa législation nationale pour garantir que les migrants en situation irrégulière ont accès aux soins de santé essentiels et en fournissant une indemnisation à Nell Toussaint, la plaignante ou l’auteur, pour le préjudice qu’elle a subi.

Date de l’arrêt :

24 juillet 2018

Forum :

Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies

Type de forum :

International

Résumé :

Nell Toussaint a contesté le refus du Canada d’accorder une couverture médicale aux immigrants sans papiers dans le cadre du programme fédéral de soins de santé aux immigrants, appelé Programme fédéral de santé intérimaire. Après avoir épuisé les voies de recours internes, Toussaint a saisi le Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies (le Comité) dans le cadre de la procédure de plainte facultative (premier protocole facultatif) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976.

Toussaint a affirmé que le Canada avait violé ses droits à la non-discrimination (articles 2.1, article 26), à un recours effectif (article 2.3.a), à la vie (article 6), à ne pas être soumis à la torture et à des traitements cruels, dégradants et inhumains (article 7), et à la liberté et à la sécurité de la personne (article 9.1) en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte) en lui refusant, sur la base de son statut d’immigration irrégulier, l’accès aux soins de santé nécessaires à la protection de sa vie et de sa santé.

Le Canada a fait valoir que la demande de Toussaint, qui contestait la loi visant à garantir la couverture des soins de santé indépendamment du statut d’immigration, était devenue sans objet parce qu’elle avait depuis obtenu le statut de résidente permanente et, par conséquent, une couverture médicale complète. Dans sa réponse aux observations de l’État partie, l’auteur a joint deux mémoires d’amicus curiae, référencés comme avis juridiques par le Comité, l’un émanant d’Amnesty International et l’autre d’une coalition d’organisations membres du Réseau international pour les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (DESC).

Le Comité des Nations-Unies a donné raison à Toussaint et aux organisations qui la soutenaient, estimant que la pétition n’était pas une actio popularis et qu’elle n’était pas sans objet. Le Comité a noté que Toussaint avait été personnellement et directement affectée par la politique et que les soins de santé qu’elle a reçus par la suite n’ont pas remédié au préjudice qu’elle avait déjà subi. L’État a en outre fait valoir qu’il s’était acquitté de sa charge en raison de l’existence de services de soins de santé d’urgence accessibles à tous, ainsi que de centres de santé communautaires et d’autres services offerts à titre gracieux.

Le Comité a décidé que les soins de santé d’urgence ne suffisent pas à garantir la protection du droit à la vie, que le statut d’immigrant est un motif de discrimination interdit par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que le fait de refuser aux migrants en situation irrégulière l’accès aux soins de santé nécessaires à la vie n’est pas fondé sur des critères raisonnables et objectifs.

Le Comité a estimé que Toussaint n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir que ses droits avaient été violés en vertu des articles 7 et 9 (1) du Pacte. Le Comité a estimé que les droits de Toussaint à la vie et à la non-discrimination avaient toutefois été violés en vertu des articles 6 et 26 du Pacte, notant que le droit à la vie a trop souvent été interprété de manière étroite et ne peut être compris de manière restrictive. Le Comité a rejeté l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur revendiquait en fait un droit aux soins de santé qui ne figure pas dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a estimé que l’État partie avait l’obligation positive de protéger le droit à la vie de Mme Toussaint qui, dans sa situation particulière, nécessitait la fourniture de soins de santé essentiels. Le droit à la vie implique d’être à l’abri d’actes ou d’omissions qui ont pour but ou pour effet de provoquer une mort non naturelle ou prématurée et garantit le droit de jouir d’une vie dans la dignité. Au minimum, selon le Comité, les États sont tenus, en vertu de l’article 6, d’assurer l’accès aux services de soins de santé existants qui sont raisonnablement disponibles et accessibles lorsque l’absence de tels services exposerait une personne à un risque raisonnablement prévisible pouvant entraîner la mort.

Conformément à l’article 2 (3) (a) du Pacte, qui oblige l’État à fournir un recours efficace, la décision du Comité des Nations-Unies exige que le Canada 1) indemnise adéquatement Toussaint pour le préjudice qu’elle a subi, et 2) prenne des mesures pour empêcher que des actes similaires ne soient commis, y compris en révisant ses lois pour garantir que les migrants en situation irrégulière aient accès aux soins de santé essentiels afin de prévenir un risque raisonnablement prévisible pouvant entraîner la mort.

Exécution de la décision et résultats :

L’ONU a donné à l’État 180 jours pour fournir des informations démontrant les mesures prises pour mettre en œuvre cette décision et a exigé de l’État qu’il publie et diffuse largement l’avis de l’ONU. Les groupes de défense des droits de la personne au Canada font pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il mette en œuvre cette décision. Nell Toussaint a souffert de nombreux problèmes de santé graves. Elle reste cependant résiliente et espère pouvoir organiser des soins communautaires. Son moral a été remonté par la réponse internationale à sa victoire.

Groupes impliqués dans le cas :

  • Centre de Défense des Droits Sociaux
  • Amnistie Internationale Canada (AI)
  • Centre pour les Droits Économiques et Sociaux
  • Centre d’Études Juridiques et Sociales
  • Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels
  • Réseau international pour les Droits Economiques, Sociaux et Culturels (Réseau-DESC)
  • Section 27
  • Institut des Droits Socio-Économiques d’Afrique du Sud

Importance de l’affaire :

Cette décision est la première fois qu’un organe des droits de l’Homme des Nations-Unies examine une situation dans laquelle une personne ayant le statut de migrant en situation irrégulière se voit refuser l’accès aux soins de santé essentiels nécessaires pour protection de la vie. Le Comité a également affirmé que les États doivent prendre des mesures positives pour protéger le droit à la vie. La décision soulignait l’interdépendance de tous les droits humains, en particulier le rapport entre les soins de santé et le droit à la vie. La décision autorise donc le plaidoyer pour l’accès aux soins de santé dans tous les pays qui ont ratifié le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) ou qui reconnaissent autrement le droit à la vie et la non-discrimination. La décision donne également le pouvoir d’affirmer que les États ont des obligations positives dans d’autres domaines liés aux droits économiques, sociaux et culturels, tels que l’accès au logement, à la nourriture, à l’eau et à l’assainissement, afin de contester le refus d’accès aux biens essentiels à la protection de la vie.

En outre, l’examen par le Comité des avis juridiques d’Amnesty International et d’une coalition d’organisations coordonnées par le réseau international DESC est un précédent utile dans la pratique émergente des organes conventionnels de l’ONU, grâce auquel les comités peuvent recevoir les connaissances et arguments nécessaires provenant d’une variété de sources. Elle démontre également la puissance du travail collectif des organisations de la société civile.

Enfin, cette décision peut également être utile pour appliquer le nouvel Commentaire général 36 du Comité sur le Droit à la Vie, récemment adopté en octobre 2018. Le commentaire général 36 souligne également fortement l’indivisibilité et l’interdépendance des droits et renforce la capacité de contester les violations structurelles du droit à la vie découlant de l’économie, les violations des droits sociaux et culturels. Pour plus de détails sur le commentaire général et les contributions des membres à la formation de son contenu, veuillez cliquer ici.

Pour leurs contributions, un merci spécial à l’adhérent du réseau DESC : le Programme sur les Droits Humains et l’Economie Mondiale (PDHEM) de l’Université Northeastern et le Centre de Défense des Droits Sociaux (CDDS, ou Social Rights Advocacy Centre, SRAC).

Ressources connexes :

Dernière mise à jour en janvier 2023