ONU dénonce violations des droits au santé du migrant en situation irrégulière

Date de publication : 
Mercredi, 15 août 2018

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a récemment rendu une décision favorable dans l’affaire Toussaint c. Canada, dans laquelle est examiné le refus par le Gouvernement de permettre à Mme Nell Toussaint de bénéficier d’une couverture médicale en raison de sa situation migratoire irrégulière, mettant ainsi sa vie en péril. L’organisation membre Social Rights Advocacy Centre co-représentait le plaignant dans cette affaire et cinq autres membres ont déposé une opinion d’experts conjointeCenter for Economic and Social Rights; Centro de Estudios Legales y Sociales; Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights; Section 27, et Socio-Economic Rights Institute of South Africa – de même que la section canadienne de l’organisation membre Amnesty International.

En fournissant une analyse d’experts internationale et comparative au Comité, les Membres ont souligné l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits humains, en constatant notamment le lien entre les soins de santé et le droit à la vie. Les membres ont également invoqué que les soins médicaux d’urgence seuls ne constituaient pas une protection suffisante du droit à la vie, que la situation migratoire est un motif de discrimination prohibé et que le fait de refuser aux migrants en situation irrégulière l’accès à des soins médicaux vitaux ne pouvait pas être considéré comme raisonnable.

Le Comité a conclu qu’en refusant à Mme Toussaint l’accès à des services de santé adéquats en raison de sa situation migratoire irrégulière, causant ainsi des dommages potentiellement mortels, le Canada a violé son droit à la vie. En outre, la distinction invoquée par le Canada entre “migrants réguliers et irréguliers” aux fins de déterminer l’accès à la couverture médicale était discriminatoire et “n’est pas fondée sur des critères raisonnables et objectifs” en raison des dommages potentiellement irréversibles pour la santé de Mme Toussaint.

Quelle est la portée de cette décision ?

Cette décision est la première adoptée par un organe conventionnel relatif aux droits humains portant sur le cas d’une personne en situation irrégulière à laquelle des soins de santé essentiels pour la protection de la vie ont été refusés.

Les conclusions du Comité relatives au droit à la vie fournissent des indications utiles pour les Etats concernant le respect de leurs obligations en matière de droits humains dans des situations similaires, en particulier dans les pays où le droit à la santé n’est pas explicitement protégé par les cadres juridiques nationaux. Le Comité a répété que les situations liées à l’accès à la santé pouvaient être pertinentes s’agissant de la jouissance d’un ensemble de droits humains, y compris le droit à la vie et la protection par rapport aux discriminations, soulignant par conséquence l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits humains. De plus, le Comité a affirmé que le droit à la vie requiert que les Etats adoptent des mesures positives dans certaines circonstances, notamment en fournissant l’accès aux services de santé existants, qui sont raisonnablement disponibles et accessibles, dans le cas où l’absence d’accès aux soins en question exposerait une personne à un risque raisonnablement prévisible qui peut conduire à la mort.

Le rejet par le Comité de la restriction imposée par le Canada en matière de services de santé essentiels en se basant sur la situation migratoire rappelle clairement que le cadre relatif aux droits humains requiert la prise en compte des expériences vécues par les personnes plutôt que l’application stricte de lois et politiques apparemment neutres. Cela signifie que si un Etat veut démontrer qu’une action prise pour réaliser un objectif légitime lié à une loi ou à une politique migratoire était raisonnable en pratique, il devra montrer, entre autres facteurs, qu’il a pris en compte la situation précaire des groupes défavorisés et marginalisés, priorisé les situations graves ou à risque et exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non-discriminatoire.

Pour plus d’informations sur ce cas, veuillez consulter :

Un résumé complet de l’affaire sera incorporé dans notre Base de données jurisprudentielle dans les mois à venir.